Ou tout ce que vous vous posez comme questions sur les aspects juridiques de l’image sans avoir jamais osé jamais le demander
« Droit à l’image, droit d’auteur, RGDP… ? » En tant que photographe, je me retrouve la plupart du temps confrontée à ces termes sans avoir parfois une idée très nette de ce qu’ils recouvrent. A chercher à mieux les comprendre. Au fil de mes rencontres entrepreunariales, j’ai longuement discuté avec Karine Mazand Mboumba Tchitoula (voir ci-dessous), avocate au barreau de Paris et membre comme moi du réseau de Delphine Boileau-Terrien, femmes de Challenge. Je lui ai demandé si elle pouvait m’éclaircir sur ce point. Ce qu’elle a fait avec bienveillance, patience et gentillesse. Je vous livre ci-dessous ses réponses et l’en remercie encore.
Droit à l’image? Vous avez dit droit à l’image?
On parle d’image dans laquelle on est reconnaissable ; cela concerne donc aussi bien les vidéos que les photos. Le droit à l’image est le droit exclusif qu’a chaque personne sur son image personnelle et l’utilisation qu’on en fait (reproduction, exploitation, diffusion…). Par ce droit, la personne peut donc s’opposer à ce que son image soit publiée.
Il n’est pas absolu puisque la personne concernée ne pourrait pas s’opposer à la publication de son image si cette publication entrave le droit à la légitime information du public. De plus, tant que le respect de la dignité humaine est assuré et qu’il n’y a pas d’atteinte à la vie privée de la personne représentée, la liberté d’expression de l’artiste photographe peut primer sur ce droit à l’image. La personne peut accepter d’être photographiée/filmée mais elle ne cède son droit à l’image que si elle autorise donc l’exploitation des images où elle apparaît.
Que recouvre le droit d’auteur dans le cadre de la photographie?
Le droit d’auteur quant à lui concerne plutôt ce qu’on appelle les œuvres de l’esprit (écrits, photos, partitions, logiciels par exemple). Il n’implique pas nécessairement que l’œuvre soit déposée pour qu’elle soit protégée. L’auteur a un droit de propriété exclusif sur ce qu’il crée. Ce droit porte donc à la fois sur l’auteur et la création (l’œuvre). Cette relation n’est pas anodine puisqu’il englobe en quelque sorte deux droits. Le droit moral qui protège les intérêts non économiques du créateur et lui donne cette « paternité » . Il appartient toujours à l’auteur qui sera référencé en tant que te et ne peut pas être cédé. Le droit patrimonial quant à lui permet aussi bien à l’auteur qu’à ses ayants droits d’exploiter l’œuvre comme bon leur semble et en tirer une rémunération ou l’exploiter gratuitement. Ce droit peut être cédé à quelqu’un d’autre qui devient alors titulaire dérivé. C’est ce droit d’auteur qui s’applique notamment aux monuments publics ; ainsi si vous photographiez ou filmez principalement une œuvre architecturale, le créateur peut revendiquer un droit sur l’image représentée.
Le lien entre le droit à l’image et le droit d’auteur en photographie
Ceci amène au constat que dans le domaine de la photographie, il y a un lien particulier entre droit à l’image et droit d’auteur. Droit à l’image lorsqu’il s’agit d’individus qui sont filmés et sont reconnaissables, droit d’auteur pour la réalisation de l’image. Cependant, la protection du droit d’auteur ne s’applique au photographe que s’il s’agit de photos originales qui expriment sa personnalité et montre un réel investissement personnel qui va au-delà de l’exécution d’un cahier de charges avec des instructions détaillées.
Et le RGDP dans tout ça?
Enfin, RGPD est l’abréviation de Règlement Général de la protection des données qui est une « loi » européenne obligatoire sur protection des informations privées des personnes. Cette loi a pour but de renforcer et unifier la protection de la vie privée des personnes qui vivent dans l’Union européenne. Il s’applique donc aux résidents de l’UE mais doit être respectée par quiconque s’adresse à ces personnes même si leur entreprise est basée en dehors, soit parce qu’elles leur vendent ou proposent des prestations, soit parce qu’elles ont une activité clairement identifiée dans les territoires de l’UE. Il faut donc considérer qu’il s’agit d’une norme extra-territoriale. L’exception est que si un habitant de l’UE achète sur un site qui n’est pas destiné à lui vendre à la base, le propriétaire du site n’a pas l’obligation de faire appliquer le RGPD.
Un peu de concret…
« On peut prendre un exemple : un organisateur d’événements planifie un salon ouvert au public avec des exposants. Il veut filmer et photographier l’événement pour en faire quelques publications sur Facebook mais également des folders et un film promotionnel. Dans ce cas précis, quelles sont les implications pour chaque personne ? »
Que vous soyez le photographe ou la personne photographiée, c’est le contexte qui va déterminer les points juridiques à analyser. Dans l’exemple, les photos sont prises dans un espace public. Il faut savoir que certaines images ne nécessitent pas d’autorisation des personnes concernées tant que ça ne porte pas atteinte à la dignité ou à la vie privée des personnes représentées, qu’elles ne sont pas réalisées frauduleusement et illustrent parfaitement le contenu publié. Dans ce cadre, les images d’événements d’actualité peuvent être publiées sans l’autorisation des participants au nom du droit à l’information ou du droit de création artistique.
La publication à titre d’information sur Facebook entre dans l’exception d’autorisation. Cependant, dans le cadre d’un film promotionnel, le seul fait d’avoir accepté d’être pris en photo ne vaut pas acceptation que l’image soit utilisée.
Quoi qu’il en soit, dans ce contexte, il est nécessaire d’avertir les participants de l’événement que des photos ou vidéos seront prises ; cela peut se faire en l’affichant ou l’incluant lors de l’inscription et indiquer à quelles fins. Il ne faut pas réutiliser les images dans un autre contexte que celui sur lequel apparaîtront les personnes. Cela implique par exemple de ne pas créer de vidéo ou publication promotionnelle sans l’autorisation formelle des personnes qui se trouvent sur les images. Il faudrait en revanche conserver les autorisations sur les contenus pour les futures utilisations qui précisent les conditions et la durée maximale de l’autorisation
S’agissant des mineurs, une autorisation des titulaires de l’autorité parentale est obligatoire.
Quelques trucs et astuces pour un entrepreneur
« Qu’est-ce-qui est important à savoir pour un entrepreneur dans la gestion de sa communication visuelle (réseaux sociaux, site internet…) ? »
Dans sa communication visuelle, un entrepreneur doit différencier ce qu’il crée par lui-même de ce qui vient d’autres personnes. S’il n’a pas créé lui-même son logo, il est opportun qu’il demande une cession des droits d’auteurs au créateur pour avoir une liberté d’exploitation.
Pour la gestion notamment de son site, réseaux sociaux, etc. il doit au minimum veiller à respecter les règles suivantes :
- Avant de reproduire une image, photographie, illustration ou vidéo dont il n’est pas l’auteur, il doit demander l’autorisation du photographe ou les personnes qui ont des droits sur cette photo. Peu importe que vous vous reproduisiez ou représentiez la photo en version imprimée, numérique et ce que vous le fassiez gratuitement ou dans un but commercial. L’autorisation expresse de l’auteur est la base de toute utilisation au risque d’être poursuivi pour contrefaçon.
- Les conditions générales ne couvrent pas l’utilisation commerciale ou publicitaire d’une image qui n’a pas été autorisée par le photographe. Le fait que l’image soit publiée sur les réseaux sociaux ne donne pas le droit de la réutiliser à sa guise. La seule utilisation possible est le partage aux autres membres inclus dans les fonctionnalités des réseaux sociaux (retweet par exemple).
- L’autorisation d’utilisation d’une image n’est pas une cession de droits. La cession des droits est un document juridique très précis qui a une trame très spécifique et qui définit les conditions et les limites d’utilisation d’une œuvre par l’auteur. Si un photographe vous autorise à utiliser une de ses images sur votre site internet, cela ne veut pas dire que vous avez le droit d’utiliser l’image sur un autre. Pour cela il faudra demander une nouvelle autorisation.
- Pour diffuser les images de personnes sur votre site, il faut veiller à avoir leur autorisation au titre du droit à l’image et préciser comment vous traitez ce type de données dans votre politique de confidentialité ou charte de protection des données.
- L’expression libre de droit est un abus de langage qui ne vous dispense pas de respecter les droits de l’auteur.
- Informer de l’utilisation des photos dans la politique de confidentialité en application du RGPD.
Quid des photographes?
- En tant qu’auteur d’une photo publiée sans votre autorisation, vous avez le droit de demander le retrait de la publication de votre photographie.
- Vous pouvez rappeler aux personnes qui utilisent vos photographies en marquant juste tout droit réservés leur obligation de vous mentionner clairement. La mention tous droits réservés n’ayant aucune valeur juridique.
- L’autorisation de filmer une personne ne nécessite pas qu’elle soit nécessairement écrite sur un formulaire tant que vous pouvez apporter la preuve du consentement de la personne par tout autre moyen. Mais un document signé est toujours plus simple en cas de désaccord ultérieur.
Et en tant que particulier ?
En tant que particulier, les règles s’appliquent en fonction de si vous êtes le photographe ou la personne représentée.
En résumé, si vous êtes représenté dans une image photographique ou vidéo, vous avez le droit de vous opposer à sa publication, diffusion ou reproduction si elle vous montre dans une situation inhumaine ou dégradante ou si elle a été prise frauduleusement dans le but de vous nuire.
Si vous agissez comme photographe, selon que vos images soient originales ou pas, elles seront protégées ou pas par le droit d’auteur. Vous avez le droit de filmer tout ce que vous voulez, même les propriétés privées tant que vous ne diffusez ou divulguez pas cela sans les autorisations nécessaires.
Bonne pratique
- Même si l’image ne nécessite pas d’autorisation particulière par rapport aux circonstances et au contexte de sa prise, il vaut mieux en parler avant pour éviter tout tracas.
- Privilégier les contenus sur lesquels ne figurent pas de personnes identifiables sachant que même avec un visage flouté, la personne peut rester identifiable à cause d’autres éléments visibles.
- Toujours s’interroger sur la présence d’un bien ou d’une œuvre protégée par un droit d’auteur sur l’image qu’on envisage d’utiliser.
Karine Mazand Mboumba Tchitoula, MMT Avocats
Karine Mazand Mboumba Tchitoula est avocate au Barreau de Paris en droit des affaires internationales et nouvelles technologies. Elle accompagne, assiste et conseille les entrepreneurs du web et ceux qui ont un projet innovant lié à une technologie.
Karine a créé le cabinet MMT Avocats pour les aider notamment à mettre en place la stratégie juridique de leur entreprise, clarifier les points juridiques et sécuriser légalement leur activité en ligne. Elle travaille donc essentiellement sur les contrats, la propriété intellectuelle et la protection des données. Cette avocate de choc privilégie une approche collaborative et même didactique afin de permettre un meilleur accès au droit via des ateliers ou du coaching juridique.